Courses des templiers : Récit des survivants
Courses des templiers : Récit des survivants
Pascal (Eurotitres) :
« 05h00. Encore un quart d’heure et ce sera le départ de la course tant attendue : les Templiers, course mythique s’il en est. Nous demandons à un des coureurs qui attend également le départ de nous photographier ce qu’il fait avec plaisir. Nous savons Vincent et moi que c’est l’une des seules photos sur laquelle nous serons tous les 4, Patrick et Manu allant très rapidement nous distancer. Les photos prises, le photographe fait semblant de partir en courant, en emportant l’appareil photo. L’humour du coureur à pied !
En attendant, je repense à la conversation que j’ai eue la veille avec Manu. Nous savons tous au départ d’une course qu’il y a une éventualité que nous n’arrivions pas au bout, mais nous n’imaginons pas que cela puisse être nous. L’avenir me donnera tort quelques 12h00 plus tard. Pour le moment, nous trépignons. Il fait froid. Nous avons eu un peu de neige la veille sur la route et la météo n’est pas très encourageante. La musique d’ERA nous accompagne durant les quelques minutes qui nous séparent du départ tandis que des fumigènes multicolores s’élèvent le long des routes. Nous allumons nos lampes frontales devant l’imminence du départ. Puis, c’est la libération. Nous nous élançons au milieu des encouragements des spectateurs courageux qui se sont levés à l’aube. Nous affichons tous un sourire radieux et leurs rendons les petits signes qu’ils nous adressent.
Les premiers Kilomètres se font sur le bitume, puis nous commençons à attaquer la première montée. Nous faisons corps avec ce ruban lumineux qui mesure déjà quelques kilomètres et qui ne cesse de s’étirer. Vincent et moi avançons en silence. Patrick et Manu sont déjà partis. Nous ne les reverrons qu’à l’arrivée.
Au bout de 2 heures de course, j’entends Vincent qui se met à parler Chti. Il vient de rencontrer des coureurs qui viennent de sa région natale. S’en suit alors tout le répertoire local qui passe inévitablement par l’incontournable «petit Quinquin ». Je ne savais pas qu’il avait un si bel organe. Les chants du Nord interprétés de telle manière, c’est plus qu’un talent, c’est un art. Je me rends compte qu’il court et chante en même temps. Et dire qu’il n’arrête pas de me dire qu’il a des problèmes de respiration. On en reparlera J !!!
En attendant, nous arrivons à Peyreleau, le premier ravitaillement. Nous avons parcouru 25 Kms et le jour commence à se lever. Nous en profitons pour nous restaurer. Sur ce point, Vincent et moi nous ressemblons. Nous avons bon appétit. Au bout d’un quart d’heure, nous décidons de repartir.
C’est dans la montée suivante que je commence à ressentir mes premières douleurs au ventre et mes premières crampes. J’ai du mal à courir, même sur le plat. Il faut que je marche et que je m’arrête quand les crampes se font plus douloureuses. Je dis à Vincent de partir devant et qu’on se retrouvera au prochain ravitaillement mais il refuse. A partir de ce moment, notre moyenne déjà pas très élevée va en prendre un coup. Il fait froid et le vent souffle fort (à priori à 120 Kms/heure avec un ressenti de – 10 °).
Vers 10h00, nous arrivons à St André de Vézines, notre 2éme ravitaillement qui se situe à 34 Kms du départ Nous avons toujours 1 heure d’avance sur la barrière horaire ce qui est réconfortant. Le soleil commence à faire de timides apparitions et je commence à me sentir mieux ce qui concoure à me redonner le moral. Je commence à regarder autour de moi et je découvre un paysage magnifique. D’immenses rochers se dressent tout autour de nous. Je vais enfin pouvoir prendre des photos ce qui représente un des objectifs sur une course.
Sans nous en rendre compte, nous arrivons bientôt au 3éme Ravitaillement, Pierrefiche qui se situe au 48,5ème Km. Nous avons plus ou moins conservé notre avance. Nous nous disons à ce moment Vincent et moi que rien ne nous empêchera maintenant d’aller au bout. Après nous être copieusement restaurés, nous repartons. Au bout de quelques Kms, nous apercevons en contrebas un petit village qui a tout d’une forteresse médiévale. Vincent qui affichait jusqu’alors une forme éblouissante me dit commencer à ressentir les premiers signes de fatigue. C’est à mon tour de prendre la tête et de l’encourager, comme il l’a fait pour moi lorsque j’étais moins bien. Les quelques organisateurs que nous croisons nous indiquent que nous allons bientôt rencontrer une côte très difficile et qu’ensuite nous ne serons plus très loin du 4ème ravitaillement qui se situe au 64,5ème Km. Nous commençons donc à grimper et arrivons bientôt au sommet. Cela nous a paru étrangement facile mais nous avons depuis longtemps perdu la notion des distances. Nous sommes alors confiants quant à la suite des événements et je pars en éclaireur. Ce que j’entends au bout de quelques kilomètres me laisse perplexe. Il semble qu’il reste encore au moins 5 Kms avant le prochain ravitaillement et que nous n’avions pas passé la côte tant redoutée. J’attends alors Vincent mais ne sais pas comment lui annoncer la nouvelle.
« – Vincent, je pense qu’il va falloir quand même courir un peu?
– Pas question, on a le temps, pourquoi on courrait ? Nous sommes bientôt arrivés et de toute façon j’peux pas »
Après un rapide topo, nous repartons tant bien que mal et commençons à monter. J’essaye de conseiller à Vincent sur la façon de prendre appuie sur ses bâtons, non pas parce qu’il s’y prend mal, mais parce que je ne sais pas quoi dire pour lui donner du courage. Je sens bientôt que cela l’exaspère et il me dira plus tard qu’il a failli m’envoyer balader comme l’avait fait Manu avec Patrick sur le Trail de bout du monde. Je décide de partir devant et d’attendre Vincent au sommet. De temps en temps je l’appelle, mais je n’entends pas de réponse. Quand finalement nous nous retrouvons au sommet, nous n’avons que peu d’espoir quant au fait d’arriver avant la barrière horaire de 17h25. Nous nous disons tout de même que comme sur d’autres trails, ils feront peut être preuve de clémence d’autant plus que nous aurons parcouru 64,5 Kms et qu’il ne nous en restera plus que 7,5.
Mais lorsque nous arrivons à Le Cade, 4ème ravitaillement avec 15 minutes de retard, on nous retire aussitôt notre puce. C’est fini pour nous. Nous essayons de discuter mais sans conviction. Même si nous sommes déçus d’avoir échoué si prêt du but, je me sens un peu soulagé tant nous avons puisé dans nos ressources. Plus tard, Manu et Patrick nous diront à quel point ces derniers kilomètres ont été éprouvants alors qu’ils les ont parcourus de jour.
Aujourd’hui, lorsque je fais le bilan de cette course, je n’en ressens aucune amertume. Je n’ai qu’une envie, y retourner car c’est vraiment une belle course et je garde le souvenir d’un week-end de franche rigolage entre potes ».
Emmanuel (Natixis Interépargne) :
» Moi qui suis frileux comme c’est pas possible, voila bien ma veine… Il fait un froid de canard ce matin de la grande course des templiers. Je ne regrette pas d’avoir pris la veste thermique, le bonnet, les gants et les manchettes ! J’en connais un qui doit être content que je lui ai prêté un cuissard long : C’est notre voisin de chambrée au gite (un Parisien) qui est venu sur cette course avec comme seul bas : Un Short !
Bref, dans la nuit noire encore puisqu’il est 05h30, nous nous élançons SUR d’aller au bout, mais comme à chaque fois avec la crainte d’être peut-être un peu optimiste.
La première montée s’avère difficile car il fait froid et le chemin est très glissant. On manque de tomber à plusieurs reprises. Le vent est glacial.
Puis petit à petit avec l’arrivée du jour et les kilomètres qui s’enchainent, on fini par se réchauffer. Nous passons de somptueux paysages et j’avoue que l’arrivée sur Peyreleau me dope quelque peu. Cela ne durera qu’un temps car la remontée après Peyreleau est sévère pour atteindre la dernier ravito au 64ème kilomètre.
On se dit avec Patrick : « 64ème bornes, ouahhh plus qu’une formalité maintenant et dans une heure on est rentré et douché !!
Mal nous en prend de tant d’optimisme : La dernière portion est interminable et nous n’imaginions pas devoir remonter tout au dessus de Millau. Cette dernière partie est même un brin technique.
Finalement, nous arrivons après 11h58 de course (pour moi parce que Patrick me lâche à une borne d’arrivée [sa petite revanche sur la Gapencimes peut-être !! – Bien fait pour moi !!). Je n’ai pas la force de lui emboiter le pas . Faire un sprint avec lui m’aurait peut-être été FATAL….
Heureux de franchir cette ligne d’arrivée avec l’espoir de voir Vincent et Pascal débouler quelques temps après. Finalement, ce doit être la rage au cœur qu’ils ont dû abdiquer à 8 kilomètres à peine avant l’arrivée en raison des barrières horaires. Mais je dois dire que Vincent m’a bluffé ! Quand je pense que je le croyais perdu pour la course à pied il y a quelques mois. Voila une bien belle revanche d’autant que, même si la course à un gout d’inachevé, il nous dit avoir pris un vrai et réel plaisir durant les trois quarts de la journée.
C’est pas ça que l’on vient chercher finalement ?
On en bave parfois c’est vrai et on se jure qu’on ne nous y reprendra plus.
Et puis… aujourd’hui, un mois après, on se réinscrit pour plus dur encore! »
Vincent : (Natixis Interépargne)
« La patronne du gite a gentiment accepté de se lever à 4 h du mat pour nous servir notre petit dèj. On constatera le lendemain, pour notre départ, que la gentille patronne a aussi accepté de nous arnaquer sur le prix de la chambre ! On va dire que ça fait une moyenne ! J’ai bien dormi et je m’en suis donné les moyens (boules kies et somnifère). En effet, il est inconcevable de partir pour 70 km sans avoir dormi.
Une grande chance pour moi, le gite est situé sur les hauteurs de Millau. De ce fait on sent très bien le vent glacial (-10) quand on se dirige vers la salle du petit dèj, alors que ceux qui logent en bas, ne peuvent mesurer combien le vent accentue le froid. C’est là que Manu me dit
« Je vais ajouter une polaire dans mon sac à dos, au cas où… Si tu as froid et que tu ne parviens pas à te réchauffer, c’est fini pour toi, tu ne peux plus avancer ».
Sage précaution ! Moi je mets la mienne directement. Je l’enlèverai si ça se réchauffe. Je réaliserai plus tard que sans cette polaire, je n’aurais pas pu tenir. J’ai 5 couches de vêtements, les gants, le bonnet, Bibendom quoi !
Manu et Patoch se mettent plus devant. Pascal et moi décidons de partir ensemble. On se met avec les derniers sur la ligne de départ. On verra si nous avons besoin de rester ensemble ou pas. Ce sont les évènements qui décideront. Avec un peu d’expérience, je sais combien un compagnon de galère peut être utile pour le moral. Je sais aussi que Pascal est meilleur que moi, qu’il a déjà fait des courses beaucoup plus longues, alors que pour moi c’est une première. Donc en toute logique, de nous deux, ce sera moi le boulet. J’espère pouvoir rester en sa compagnie le plus longtemps possible.
Dès le départ, une longue montée. Une procession silencieuse de centaines de coureurs avec chacun sa lampe frontale pour éclairer le sol gelé, glissant. Bien évidemment au bout de 2 mn, j’ai trop chaud.
« On attend d’être là-haut et on fera une pause, tu pourras enlever ta polaire. »
« Ok »
Mais plus on monte, plus le vent souffle, finalement je vais la garder sur moi, merci Manu.
Juste avant le premier ravito, j’entends causer derrière moi. Ce serait bien des cht’tis. YES. On chante en cœur une ou deux romances du carnaval de Dunkerque.
Après 23 sandwichs à la vache qui rit et 15 mn de pause, on repart avec Pascal.
– « Sors tes bâtons, ça va monter raide »
– « Pas envie, j’y vais comme ça. Me sens bien. »
Plus on avance plus je me sens sur un nuage. Pour Pascal, c’est l’inverse. Ça ne va pas, crampes, nausées. On doit en être au 25, 30 km. Bon ben finalement, je pense que je vais pouvoir rester avec lui plus longtemps que je ne le pensais.
Les km passent, 2e ravito. A chaque fois que je me retourne, pour Pascal c’est de pire en pire. Même sur le plat il avance au ralenti.
– « Pars devant je te ralentis trop, je te rejoindrai sûrement plus tard, quand ça ira mieux ».
– « Non pas question. Je serai bien content de t’avoir quand ce sera mon tour ».
Il ne se doute pas quel boulet de luxe je peux faire ! On arrive bientôt au 3e ravito avec ¾ d’heure d’avance sur la barrière horaire. Presque 50 km. Je suis toujours en pleine forme. C’est génial.
– « Ecoute Pascal, il ne reste plus qu’une barrière et 20 km. C’est une formalité. En plus on a de l’avance.»
– « Oui mais la prochaine barrière sera difficile à atteindre ». Progressivement, imperceptiblement, Pascal retrouve ses jambes, et moi je fatigue, je perds ma lucidité, la notion du temps, des distances. Les rôles sont inversés, c’est Pascal qui me traine. On demande à un gentil organisateur
– « Il vous reste 5 km avant le prochain ravito. Mais attention il y a 4 km de montée très difficile. De toute façon, vous y serez à temps. »
Quand on ressent le besoin de s’informer, c’est toujours mauvais signe. Surtout si la personne qui vous renseigne dit n’importenawak. Effectivement on trouve la montée. Mais elle me parait bien facile ! Je me dis que le gentil organisateur n’avait pas le compas dans l’œil ou c’est moi qui ne suis pas si fatigué. Peu importe, de toute façon maintenant ça descend, et le ravito doit être en bas dans le village.
Arrivé au village, je suis épuisé. Il me faut se ravito pour souffler. Et là catastrophe, on nous apprend que c’est maintenant l’ascension de 4 km ! Je regarde ma montre. Nous n’avons plus que 30 mn pour ne pas être éliminés. Nous comprenons que c’est foutu. Sauf peut-être pour Pascal qui a encore les jambes. Je lui dis de partir, et bien sûr il refuse. Alors là je me transforme en boulet de luxe ! J’ai l’impression d’être un alpiniste en manque d’oxygène, au sommet de l’Everest. Le rythme cardiaque s’emballe, je ne parviens pas à le faire baisser. J’avance pas à pas, je cherche mon souffle. Pascal doit me maudire. Il me conseille sur le planté du bâton, comme dans le film des bronzés. Quelques noms d’oiseaux me viennent à l’esprit ! Il ne faut pas qu’il insiste sur le planté du bâton sinon j’ouvre la volière !!
On arrive à se foutu dernier ravito. Le gentil organisateur nous annonce que c’est fini avec la délicatesse d’un flic qui contrôle vos papiers. Je profiterai bien du moment où il est accroupi pour me retirer la puce électronique sur ma basquette pour faire un joli trou avec mes bâtons dans sa grosse doudoune, pour la dégonfler! Plus on est fatigué, plus on devient spirituel !! Cool, cool, vincent.
Il ne nous a pas manqué grand chose. Bien sûr c’est frustrant, je culpabilise pour Pascal, Mais nous avons partagé un moment inoubliable, on ne court pas pour une vache en or, comme dirait le poète. On apprendra par la suite que les 6 derniers km étaient très difficiles. Dans l’état où nous étions, il nous aurait fallu entre 2 et 3 h ! Donc pas de regrets. Nous avons fait le bon choix, celui de l’aventure humaine ».
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